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			 Annette et 
			Bernard Uhl : 
			
			Annette et 
			Bernard Uhl du voilier MAILYS, ont une verve et un humour 
			inhabituel. Nous sommes persuadés que ça vous plaira.  
			
				
					
						
							
							  
							Bernard du 
							voiler Maïlys | 
							
							 
							"Tout 
							ce que j'écris est vrai et censuré par Annette 
							(d'ailleurs elle corrige les fautes d'orthographe), 
							et si parfois je me laisse emporter par un dérapage 
							contrôlé, c'est toujours pour les besoins d'un bon 
							mot ou pour renforcer une sensation. 
							
							Seul 
							un esprit chagrin et mal embouché verrait dans ces 
							lignes une critique du Maroc. 
							
							C'est plutôt un encouragement à y aller."       
							Bernard. 
								 
							
							  
							  | 
							
							 
							  
							Annette du 
							voilier Maïlys  | 
						 
					 
				 
			 
			  
			  
			
			Maroquineries  (1) : 
			Une de leurs escales les amènent à El Jadida, sur la côte Atlantique 
			du Maroc, un peu au Sud de Casablanca. 
			Les photos sont d'Annette, la parole est à Bernard... 
			  
			  
			  
			  
			
			Pourquoi des escales au Maroc ? 
			
				
				Nous n'avons pas un amour immodéré pour les îles 
				Canaries, très polluées par des milliers d'Allemandes qui 
				étalent des tonnes de chairs roses et grasses sur les plages. Il 
				m'a été conté que, sous l'effet de la chaleur, elles explosent 
				parfois dans un grand éclaboussis de cellulite jaunâtre. 
				
				L'appel du Muezzin fut le plus fort. Nous avons 
				préféré faire escale au Maroc, à El Jadida. 
				
				Nos certitudes tremblent sur leurs bases, le 
				Maroc est le Royaume de l'à peu près, de la référence relative. 
				On ne m'a pas dit que j'étais vieux, mais que je devais aller 
				voir "celui-là qui est moins vieux que toi". Ma barbe plus sel 
				que poivre y contribue beaucoup. 
				
				L'agression des sens est totale, le plaisir est à 
				la mesure de l'immersion dans cette foule dense bigarrée de 
				djellabas et de Nikadidas, de ces visages qui vous dévisagent, 
				ces "bonjours", ces "pardons" quand on vous heurte, ces petites 
				marques de politesses. Ici pas de harcèlement, quelques 
				mendiants bien sûr, à qui nous donnons l'aumône, comme tout bon 
				musulman.  
				
				Étonnant, ce contraste qui mêle le braiment des 
				ânes et les sonneries de téléphones portables, les notes 
				orientales d'une mélopée beuglée par une mousmée en chaleur avec 
				le dernier tube à la mode de Dave, la jeune "zouina" sapée 
				sexidentale, qui donne le bras à sa copine tellement 
				enchiffonnée dans sa voilure qu'elle n'a plus forme humaine. 
				  
			 
			
			El Jadida :  
			
				
				El Jadida n'est pas touristique, cette 7eme plaie 
				de la mondialisation est concentrée principalement sur la 
				vieille cité portugaise que nous avons parcourue rapidement. 
				Nous préférons la médina, sa débauche de produits frais, de 
				pacotille. Ces odeurs de poubelles qui par vagues se mélangent 
				au safran, à la coriandre, à la basse-cour, à la sueur humaine 
				et au suint de mouton. Nous marchons sur des trottoirs qui ont 
				du être mais qui ne sont plus, qui ont pourtant l'avantage 
				malgré la boue, de moins glisser qu'en Europe, les arabes ayant 
				plus le sens de la famille et moins besoin  d'animaux de 
				compagnie. 
				
				 Nous visitons tous les souks campagnards des 
				environs, simplement pour graver dans nos yeux les images 
				puissantes de ces moutons, vaches, volailles, chèvres, pendus au 
				gibet, égorgés dans un grand cri d'agonie, secoués de 
				soubresauts ensanglantés.  
				
				Dois-je vous dire combien l'Europe et ses steaks 
				surgelés nous parait fade? 
				
				   
			 
			
			Souk: 
			
				
				  
				
				Nous avons connu Said dans le port d'El Jadida. 
				C'est un Veli-planchiste quarantenaire qui surfe assidûment sur 
				une épaisse couche d'huile et de gas-oil. "La planche, elle 
				glisse bien, mais il ne faut pas tomber!" nous dit-il. Said est 
				un bon musulman, il est allé plusieurs fois à la Mecque, il a 
				donc les moyens. Il possède une belle maison dans le centre 
				ville et une sœur artiste peintre, licenciée es lettres. Il nous 
				a invités à manger le couscous à la maison, et après lui avoir 
				parlé de notre intérêt pour les Souks, il nous propose d'aller 
				voir un vrai Souk campagnard. 
				  
				
				 Il nous a emmenés un matin au Souk Sebt Ouled 
				Bouaziz à 20 km d'El Jadida, pour y acheter de la viande de 
				chameau. De bonne heure, nous débarquons d'un tobus un peu fou 
				probablement piloté par Allah en personne, dans un enclos à 
				bestiaux où vaches, taureaux, moutons et chèvres, attendent de 
				changer de propriétaires.  
				  
				
					
						
							
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							Les bêtes sont superbes, les béliers 
							sont peignés et subissent une coupe aux ciseaux pour 
							être plus beaux encore.  
							Un peu plus loin le souk des ânes, autour d'une 
							piste d'essais où des acheteurs potentiels 
							contrôlent la tenue de route, les virages serrés, le 
							freinage et la consommation. Des discussions 
							éclatent, véhémentes, à propos d'un âne qui tire à 
							gauche et qui ne mérite pas les dirhams demandés.
							Said, 
							bien que parlant français est quelquefois difficile 
							à comprendre. "Tu veux voir le battoir?". Nous 
							acquiesçons en pensant à des lavandières sur le bord 
							de l'oued.  | 
						 
					 
				 
				  
				
					
						
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							Une odeur fade et entêtante nous 
							détrompe rapidement. C'est une enceinte d'où un 
							ruisseau de sang dégouline de gorges tranchées, de 
							corps dépecés, de têtes de vaches coupées, dont 
							l'envers nous montre les tuyauteries béantes qui 
							palpitent encore, de peaux entassées qui fument dans 
							l'air vif. Mais le pire, c'est par terre, où un 
							mélange de sang, de terre et de merde, nous monte 
							bientôt aux chevilles. Mes Botalos vont être 
							ruinées. Annette prend des photos, pendant qu'une 
							vague nausée me prend la gorge. Une discussion 
							éclate entre Said et un type qui veut prendre 
							l'appareil photo, pensant que nous sommes un 
							quelconque service sanitaire ou des journalistes.
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				Finalement nous battons en retraite en passant 
				devant un rémouleur à gueule de pirate qui affûte de grands 
				couteaux. Il faut avaler beaucoup de pilules d'extasie pour 
				ressentir ce que nous vivons.  
				  
				
				Nous allons nous remettre de nos émotions dans le 
				souk de la laine fraîche, cardée ou non, brute ou teintée. Du 
				mouton à la pelote, tous les stades sont proposés. Nous 
				traversons le souk des poules, parquées dans de petits enclos 
				grillages. Il n'y a pas ici de frigos et il ne faut guère plus 
				d'une minute à une cocote heureuse et pleine d'avenir, rêvant à 
				son coq, pour être capturée, pesée, payée, égorgée, plumée dans 
				une bassine d'eau bouillante et enfouie dans le cabas d'une 
				ménagère Berbère.  
				Le plus amusant reste le dernier vol de la cocote: entre 
				l'attrapeur de cocote et l'égorgeur de cocote, il y a quelque 
				distance que la cocote franchit par un catapultage vigoureux et 
				subsonique, au dessus de la tête des clients ébaudis. 
				 
				  
				
					
						
							
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							Nous 
							y verrons aussi la noria du moulin à huile d'olives 
							qu'un petit âne fait fonctionner. Le souk des 
							forgerons avec de tous petits foyers, qu'une pompe à 
							air actionnée par des gamins porte au rouge, dans un 
							grand boucan de martelage. Le grand souk des 
							légumes, de la viande où nous achèterons notre 
							viande de dromadaire ( très bon en tajine). 
							 
							  
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				Les marabouts et les prédicateurs côtoient les 
				coiffeurs barbiers et l'arracheur de dents qui fouille au fond 
				d'un clapoir peu ragoûtant et sans anesthésie, devant un 
				parterre de spectateurs très intéressés par cette grande douleur 
				des gencives. Les vanniers, les docteurs dont la table est 
				couverte de pilules vendues à l'unité. 
				  
				
					
						
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							Toutes les activités du moyen âge sont là, pour la 
							survie du petit peuple du Maroc. Pourtant dans un 
							coin, de nouvelles activités apparaissent: Un 
							générateur recharge en groupe des dizaines de 
							batteries de camion. Said nous explique qu'elles 
							font marcher les téléviseurs dans les douars du bled 
							sans électricité pour pouvoir regarder le BIGDIL.
							 
							
							Le 
							Bigdil de l'ami Lagaffe, ce fleuron de la pensée 
							franchouillarde, va t-il mener la société marocaine 
							vers la modernité?  | 
							
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			Colique:   
			(NDLR:Nous n'avons pas eu d'images 
			pour illustrer ce paragraphe) 
			
				
				  
				
				Nous venons de subir notre rappel de vaccination. 
				
				Malgré plusieurs années passées entre l'Afrique 
				du nord et l'Afrique noire, nos petits corps avaient oublié la 
				vivacité des bactéries Maghrébines. C'est le jour où nous 
				choisissons de faire notre plus grande étape en tobus, que ces 
				fichues bestioles décident de s'énerver.  
				A 6h du matin, au départ, Annette était en pleine forme. 100km 
				plus loin, je la trouvais un peu pâlotte. Au km 120, elle était 
				verte, tordue sur son siège par une colique magistrale.  
				Je négocie avec le chafior (chauffeur), un arrêt en rase 
				campagne. Bismillah (merci mon Dieu), les chauffeurs sont 
				compréhensifs, les feuilles de figuiers de barbarie sur le bord 
				des routes suffisamment larges pour cacher Annette, les vitres 
				des tobus suffisamment sales pour que 50 berbères hilares ne 
				distinguent pas les détails d'un spectacle navrant. Ce jour là 
				l'étape fut longue, les arrêts fréquents et la terre marocaine, 
				qui en a vu d'autre, abondamment engraissée.  
				  
				
				Trois jours plus tard, ce fut mon tour à 
				Marrakech, et une colique fulgurante, n'a pas permis à mes 
				sphincters peu habitués, de maîtriser une telle pression. Nous 
				voyageons toujours légers et si nous emportons quelques slips de 
				rechange, nous n'avons qu'un seul pantalon. C'est avec un pull 
				noué à la ceinture, pour cacher une auréole scatoclismique que 
				nous déambulerons ensuite, l'air de rien, pour rentrer à 
				l'hôtel. Les hôtels de la médina sont construits autour d'un 
				patio central, et les chambres sur plusieurs étages donnent sur 
				ce patio intérieur, c'est très beau et les mosaïques mauresques 
				superbes, avec l'inconvénient que l'ensemble est bruyant et que 
				le vécu du voisinage nous interpelle constamment. Je débutais ce 
				soir là, dans les toilettes du 3eme étage un concert à capella, 
				qui souleva le cœur et la compassion unanime de nos 
				co-locataires. Il faut boire le calice jusqu'à la lie, à 
				condition qu'il soit rempli d'Immodium et d'Ercefuryl. 
				
				  
				
				  
			 
			
			Passeport 
			
				
				  
				
				La mignonne petite chambre de l'hôtel AYAD nous 
				plait bien, les draps sont propres, les toilettes correctes, 
				tout est pour le mieux. Le tenancier nous propose de remplir les 
				fiches de polices et réclame nos passeports. Il feuillette une à 
				une les pages de mon passeport, puis recommence d'un air 
				soucieux. Manège identique pour celui d'Annette. Il recommence 
				trois fois la manipulation en cherchant visiblement quelque 
				chose. Je m'enquiers, inquiet,  d'un éventuel problème. "Il y a 
				un tampon de sortie, mais il n'y a pas de tampon d'entrée, vous 
				êtes  sortis du Maroc sans y être entrés, je ne peux pas vous 
				accepter dans l'hôtel." 
				
				A peine arrivés à Marrakech, nous voila dans un 
				taxi, en direction de la Sûreté Nationale, avec le vague 
				sentiment de vivre un grand moment. La bâtisse est lugubre, 
				remplie de flics, et ce que nous savons des prisons marocaines 
				n'est pas pour nous rassurer. Nous abordons un uniforme à 
				mitraillette, qui nous dirige sur un uniforme à pistolet, qui 
				nous indique un uniforme en civil, qui nous envoie au bureau 
				numéro 18 du 1er étage. Nous expliquons notre cas à un 
				fonctionnaire consterné qui se déclare incompétent et nous 
				renvoie au bureau 4 du sous-sol. Même consternation qui nous 
				ramène au bureau 2 du rez-de-chaussée, lequel téléphone au 
				bureau 8 pour nous dire qu'il n'y a que le bureau 18 du 1er 
				étage qui peut régler ça. L'incompétence première nous amène 
				personnellement au bureau 11 du 2eme étage, où il n'y a 
				personne, mais des sièges pour  
				
				attendre........??????.....!!!!!!.....zzzzzzzzzzz. 
				  
				
				Quelques heures plus tard, un intelligent de haut 
				grade, s'assied en face de nous, en nous déclarant: "Pour nous, 
				vous n'existez pas!". Nous protestons en essayant de prouver 
				notre consistance et que la réalité ne nous fait pas défaut. Il 
				rigole en nous expliquant que le tamponneur de l'immigration à 
				El Jadida, avait sans doute fumé un peu trop le kif et s'est 
				trompé de cachet en estampillant nos passeports. Nous voila 
				rassurés et, très gentil, il téléphone en personne à l'hôtel 
				pour leur donner l'ordre d'accepter notre inconsistance 
				administrative. 
				
				L'administration Marocaine, si elle a besoin d'un 
				peu d'huile pour faire tourner ses rouages (bakchich)lorsqu'un 
				dérèglement survient, ne se démonte pas pour autant. 
				  
			 
			
			  
			La suite des maroquineries de Mailys 
			  
			
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