Météo aux Philippines:

Nous sommes arrivés en Asie par le Sud, depuis l'Australie et en traversant une bonne partie de l'archipel indonésien avant d'atteindre  Singapour, la Malaisie et la Thaïlande. Ce parcours nous a écarté les Philippines et nous le regrettions. Après 3 ans dans la zone, nous avons décidé de continuer le tour du monde et de traverser l'océan indien. Mais avant on va essayer de se faire plaisir et de ne pas avoir de regrets en réalisant une boucle qui va  nous faire parcourir l'archipel des Philippines d'Ouest en Est et redescendre à Bali qui sera notre point de départ pour la traversée de l'Indien. Pour que cette navigation de près de 10 mois entre Singapour et Bali se passe bien il faut vraiment tenir compte des saisons et des particularités de la météo de ces pays. On parlera surtout dans cet article des conditions aux Philippines.

L'archipel des Philippines est vaste et il y a des variations notables d'une extrémité à l'autre. Nous ne parlerons que de ce que nous avons appris ou constaté.

 

 

Climat:

Les Philippines sont situées en zone tropicale, pas très loin de l'équateur pour les îles du Sud qui se trouvent à 8° de latitude Nord. Ca veut dire que le pays a un climat chaud et humide toute l'année. On peut cependant définir deux saisons principales reposant sur deux systèmes de vents opposés. La saison sèche qui se place en gros de décembre à mai et la saison pluvieuse de juin à novembre.

Ceci est un peu caricatural, car comme nous l'avons dit il y a des différences notables d'un endroit à l'autre du pays. Ces différences vont jouer dans les mois que l'on appelle les mois d'inter saison pendant lesquelles on passera d'un système à l'autre plus ou moins rapidement en fonction de la zone. On pourrait résumer ainsi:
  • L'alizé d'Est s'installe de décembre à mars, il vient de l'océan Pacifique en soufflant entre 30° Nord et 30° Sud. Généralement de  NE ici aux Philippines qui est située en hémisphère Nord. (Il sera plutôt de SE en hémisphère sud).
  • L'intersaison, pendant laquelle se fait la bascule, se situe en mai - juin.
  • La mousson de SW qui impacte tout le continent asiatique et apporte de la pluie de juin à septembre avec un pic en juillet et aout.
  • La deuxième intersaison se situe en octobre - novembre, les vents sont variables et souvent faibles.

 

 

Typhons:

Les typhons causent de terribles ravages chaque année. On a parlé de 10 000 ou 15 000 morts et disparus lors du passage du  typhon "Yolanda" les 7 et 8 novembre 2013. Les pluies torrentielles génèrent des coulées de boues, les vagues énormes emportent les maisons bâties en bambous le long de la cote, les marins et les pêcheurs disparaissent...

Les Philippines se situent sur le passage des perturbations qui se génèrent dans le Pacifique. Il peut y avoir une vingtaine de typhons qui percutent les Philippines chaque année et traversent l'archipel sur une route qui va, en général, vers le NW. Ils poursuivent ensuite leur chemin vers Taiwan et Hong Kong.  Le pic de fréquence se situe entre juin et octobre  (80 % des typhons) mais il faut toujours garder à l'esprit qu'une tempête tropicale ou un typhon peut avoir lieu ici à n'importe quel mois de l'année. Les typhons de fin de saison  peuvent traverser l'archipel plus au Sud et avoir une route plutôt vers l'W. C'est ce qu'on a remarqué déjà en 2012, quand nous regardions, pour apprendre en avance sur Internet, comment fonctionne une saison météorologique dans la zone. Nous avions noté le passage d'un typhon sur l'île de Palawan en décembre. Il y a généralement une prédiction de l'événement plusieurs jours auparavant et de nombreux très bons abris sont possibles aux Philippines.

Le Philippines Atmospheric Geophysical and Astronomical Services Administration (PAGASA) est  le service qui a la responsabilité de tracer les typhons et tempêtes tropicales qui arrivent sur leur pays. Ce service donne également la prévision des risques par région en utilisant un code (appelé signal).

Voir leur site Internet: www.pagasa.dost.gov.ph

Il y a 4 signaux différents:

  • Signal 1 : Pour des vents  jusque 33 nœuds avec de grosses averses intermittentes.
  • Signal 2 : La tempête tropicale est susceptible de toucher la zone dans les 24 heures avec des vents jusque 55 nœuds.
  • Signal 3 : La tempête est devenue typhon (on dira aussi ouragan ou cyclone dans d'autre partie du monde) quand la force du vent dépasse 64 nœuds. Le typhon est attendu dans les 18 heures avec des vents pouvant monter jusque 100 nœuds.
  • Signal 4:  Le typhon est attendu dans les 12 heures avec des vents de plus de 100 nœuds et des pluies torrentielles

Toutes les tempêtes tropicales ne deviennent pas typhon et ce n'est pas facile de prédire laquelle en deviendra un, mais il y a quelques conditions qui doivent être réunies pour que le phénomène puisse se développer:

  • Une grande surface de mer ou d'océan avec une température de l'eau à au moins 27°C sur une grosse épaisseur, de l'ordre de 60 mètres.
  • Une pression anormalement basse à ces latitudes, moins de 1024 hpa
  • Une dépression qui se met en place et qui se déplace à au moins 13 nœuds vers l'Ouest ou le WNW poussé par l'alizé d'Est.

Pour les philippines, les tempêtes tropicales se forment en général dans le Sud de la mer de Chine, 500 milles autour de Guam (13°20N - 144°40E). Elles se mettent en route vers l'W.  Elles se tassent ensuite ou bien dégénèrent en typhon entre Guam et les Philippines.

La route suivie par les typhons est parfois difficile à prévoir. Ils sont capables de faire route inverse, de remonter vers le Nord... Les typhons qui se déplacent lentement (moins de 15 nœuds) suivent des routes plus imprévisibles que les rapides qui peuvent avancer à 25 nœuds.

Rappelons que les cyclones ne se forment pas près de l'équateur car les effets de la force de Coriolis n'y sont pas sensibles. Il n'y a jamais de cyclone entre 0° et 3° de latitude et rarement jusque 5° de latitude.

Nous ouvrons Internet le plus souvent possible pour consulter la météo, mais il n'y a pas d'accès au réseau possible tous les jours. Il est donc intéressant de savoir reconnaitre par ses propres observations l'arrivée possible d'un cyclone:
  • S'il n'y a pas de terre entre la tempête et nous, on constate une longue houle (avec une période de 15 à 30 secondes) qui vient de la direction de cette tempête. On peut sentir cette houle à 1000 milles d'un fort cyclone.
  • Une active bande d'orages précède d'un jour ou deux le centre de la tempête, le ciel est très nuageux et brillant, la température est supérieure à la moyenne.
  • Il faut également être alerté par une chute de pression de 3 Hpa en dessous de la moyenne (considérer la marée barométrique) et ceci pendant plus d'un jour. (Le baromètre enregistreur est pratique dans ce cas là même s'il n'est pas étalonné). Si la pression descend à 5 Hpa en dessous de la moyenne, il y a des décisions à prendre.
  • Le vent change pour une direction inhabituelle pendant que le baromètre commence à descendre. C'est une confirmation supplémentaire.
  • Il peut également aussi y avoir un bel anneau autour du soleil ou de la lune.
 


Le baromètre enregistreur met une semaine à faire un tour de cylindre. Toutes les semaines sans perturbations sont tracées les unes sur les autres formant une grosse ligne ondulante représentant la marée barométrique (la variation de pression en un lieu en fonction de l'heure de la journée). La courbe la plus basse est le passage de Yolanda, il y avait déjà eu une petite perturbation la semaine qui précède.

Quand il se passe tout ça, le seul endroit ou il faut être est un bon mouillage sans ouverture vers la mer, ni fetch de plus d'un d'un demi mille.

Pour terminer la description du phénomène, de brèves averses émanent de gros cumulus, le baromètre commence à descendre plus rapidement, plus de 1 Hpa à l'heure, les averses deviennent intenses et le vent grimpe à près de 40 nœuds. La tempête approche encore, un mur noir de nuages barre l'horizon. Si on distingue une portion plus noire dans la barre, ça peut être la position du centre de la dépression. Si celui ci continue de s'approcher ca sera avec des vents encore plus forts et une pluie plus torrentielle.

 

Notre stratégie pour visiter les Philippines:

Initialement nous n'avions pas prévu de visiter les Philippines mais des rencontres, des discussions nous en ont donné envie. Nous n'avons, par contre, pas la possibilité (car d'autres envies aussi) d'y rester plus de 4 à 5 mois.

Nous venons de Phuket en Thaïlande, il faut donc redescendre le détroit de Malacca en direction de Singapour. Il nous faudra ensuite remonter toute la cote Nord de Bornéo. C'est donc une route globalement axée vers le NE à partir de Singapour. Comme nous l'avons vu plus haut, les deux saisons principales sont la mousson de SW et l'alizé de NE. Il n'était pas question de faire toute cette route contre l'alizé. C'est pourquoi nous avons laissé Banik au Sud de la Malaisie près de Singapour durant la saison intermédiaire. Il fallait attendre. Nous en avons profité pour faire une grande balade en sac à dos au Laos et au Cambodge. Nous avons quitté la région de Singapour en juillet en pleine mousson de SW qui nous a généralement donné des vents portants et de la pluie.

Nous sommes arrivés fin octobre à Kudat, au bout de l'état de Sabah (fédération de Malaisie) au NE de l'énorme île de Bornéo. Nous y avons trouvé une dizaine d'équipages en attente pour monter vers les Philippines, en longeant généralement la cote Est de la longue île de Palawan. La plupart nous ont déconseillé de partir de suite car de leur point de vue il faut au minimum attendre le mois de décembre pour éviter le pic des typhons et profiter des beaux mois jusque mai. Mais c'est aussi le début des mois ou on rencontre les vents de NE les plus forts notamment en janvier et février. La route est longue pour la remontée de Kudat jusque Puerto Galera sur l'ile de Mindoro. De l'ordre de 450 milles et par NE ca sera contre le vent et les vagues de plus de 2 mètres qu'il génère. Si on choisi la route côtière on met plus d'un mois car les étapes sont très courtes. il est en effet impossible de naviguer de nuit avec les multiples embuches sur la route, les milliers de bouées des fermes perlières, les bosquets de bambous plantés en mer par les pêcheurs jusqu'à 20 milles des cotes, les récifs affleurant, les courants, les bateaux de pêche sans feux, les îlots, les filets à la dérive, les barges remplies de minerai, les casiers... Si en plus il faut gérer un fort vent debout avec de la mer...
Certes ca pourrait se faire d'une traite au large, mais ca serait dommage de ne rien voir de Palawan.


Ca serait dommage de ne rien voir de Palawan. Ici la région d'El Nido

Notre stratégie était donc de remonter en octobre - novembre en profitant de l'intersaison à la fin de la mousson de SW et de la relative période de calme qui l'accompagne. Certes nous sommes encore dans la période officielle des typhons mais comme il y en a, en fait, toute l'année, il suffit d'apprendre à naviguer avec cette menace. Ca nous donne les bonnes habitudes qu'il faudra conserver quand les mois seront sensés être plus tranquilles mais avec, rappelons le, encore 10% de risques. Ca n'est pas anodin.

Les faits ont confirmé l'option. Nous avons remonté facilement la plus grande partie de l'île de Palawan. Nous avons mis un peu plus de temps que prévu en profitant de certains endroits et c'est seulement le 8 novembre que nous entrons à Puerto Princesa capitale de Palawan, et port d'entrée aux Philippines pour les bateaux étrangers.

C'est en arrivant que nous avons appris le désastre en cours et les ravages que Yolanda était en train de faire sur les iles de Leyte et Samar. Nous avions bien remarqués les indices décrits plus hauts, on s'était dit, en escaladant la houle toute la journée et jusqu'à l'entrée du port, "Ca doit bien bastonné, la bas, quelque part vers l'Est", nous avions constaté qu'il faisait plus moite et plus chaud, l'orage avait grondé toute la nuit précédente illuminant le ciel d'éclairs magnifiques, nous étions préparés et avertis, mais jamais nous n'avons imaginé l'ampleur du phénomène en cours. Nous étions sans informations météo depuis le départ de Malaisie car nous n'avions pas encore pu acheté une carte sim pour notre lecteur 3G...

Ce jour là, nous sommes arrivés dans un bon mouillage. 9°46'N - 118°43,7'E fond de vase collante. Nous n'avons subi aucune conséquence du typhon qui est passé à 300 milles dans notre NE, dans la nuit le vent est monté au plus fort à 27 nœuds, la pluie a duré quelques jours.
Cela a renforcé notre certitude qu'il faut apporté un soin tout particulier au suivi de la météo dans cette zone. Il n'a pas été question de repartir de Puerto Princesa sans un Internet qui fonctionne bien à bord et avec tous les trous à cyclone le long de notre route bien répertoriés et notés sur la carte.

 

Voir notre article "Comment tenir un cyclone dans un trou de mangrove" rédigé lors du passage du cyclone "Emilie" dans les Caraïbes.

 

 

 

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