Les armes à feu à bord:

 

On va commencer par une petite histoire...

Il y a bien longtemps maintenant, presque 20 ans de ça, nous étions beaucoup plus jeunes, plus impulsifs... Nous naviguions tous les deux sur notre fringuant BaniK (le numéro un) tout juste mis à l'eau après 4 ans d'efforts de construction . Nous partions à la découverte de la Méditerranée. La Corse nous semblait alors une île bien lointaine... De Marseille vers Bonifacio nous commencions notre deuxième nuit de petit temps.

C'est une époque ou l'on parlait beaucoup de pirates en Méditerranée. Il y avait, parait il des gangsters qui s'emparaient des bateaux de plaisance pour passer de la drogue. Ils torturaient les skippers pour trouver l'argent, violaient les jolies équipières avant de balancer tout le monde à l'eau . On ne croyait pas trop à ces histoires même si les rumeurs allaient bon train.

Peu après minuit (l'heure du crime), je remarque les feux d'un voilier qui passe assez loin. Tout à coup celui ci vire et vient délibérément au moteur directement sur nous. J'imagine qu'il est au moteur car il arrive vite, tout droit, et il navigue pile dans le lit du vent. Je vois parfaitement ses feux rouges et verts cote à cote. Il modifie continuellement son cap pour rester sur nous comme pour venir à l'abordage.

Je descends rapidement dans la cabine pour réveiller Anik, prendre la corne de brume et ... mon pistolet 22 long rifle avec un chargeur automatique à 7 ou 8 coups. J'enfile le chargeur dans la crosse et ressort dans le cockpit. Le voilier n'est plus qu'à quelques longueurs ce qui me surprend fortement, ils ne peuvent pas ne pas nous avoir vu, tous nos feux sont allumés. Je corne à tout rompre, je les éclaire de ma torche. Maintenant qu'ils sont tout près il ne fait plus de doute que leur barreur manœuvre pour venir à nous, sa route en arc de cercle prend BANIK pour cible. Je ne sais plus que penser. Un homme à l'avant fait des signes. Je pose la lampe et saisi presque sans m'en rendre compte le pistolet à répétition que je garde à l'abri des regards. Inconsciemment j'élabore un plan. Je dois compter sur l'effet de surprise, ils ne doivent pas s'imaginer qu'un plaisancier a un capacité de riposte, et surtout qu'il est prêt à le faire. Ils sont quatre ou cinq sur le pont, si je vais vite je peux tous les descendre quand ils seront à bout portant. En même temps je me raisonne: Fais pas de bêtises Jean-Baptiste, ils ne nous veulent pas forcément de mal...

Le voilier plus grand et plus rapide que BANIK navigue bord à bord maintenant moins de deux mètres nous séparent. Ils pourraient presque sauter sur notre pont. C'est un voilier italien ( ou sicilien...) 5 hommes sur le pont poussent des cris que je ne comprends pas. Si l'un d'entre eux pose la main sur notre filière, j'arrose.

Tout à coup un des hommes s'adresse à nous en français et je réalise qu'ils sont perdus et qu'ils souhaitent juste connaître notre position et avoir un cap pour rejoindre Ajaccio. Je leur donne les informations, le cap ne devais pas être très juste car je ne suis pas allé le mesurer sur la carte de peur de les quitter des yeux ne serait ce que deux minutes.

Ils s'éloignent ensuite en hurlant des gracie pour nous et des bravissimo au barreur qui a réussi à ne pas faire couler les deux bateaux... La joyeuse équipe disparaît rapidement dans la nuit noire...

C'était une joli bande d'enfoirés, pas marins pour deux sous, pas capables de faire un point et qui ont risqué une manœuvre scabreuse tout à fait suspecte. (Il faut dire cependant que beaucoup de voilier, dont BANIK, n'avait pas de VHF à l'époque). Ils m'ont fichu une belle trouille avec leur manœuvre anormale.

Une fois seul (Anik s'est recouchée) je réalise que si le barreur avait juste fait une petite erreur qui aurait amené les deux coques à se toucher, à un des équipiers de poser la main sur BANIK, j'aurais peut-être tiré dans le tas... Ca aurait été un beau gâchis...

Le meilleur moyen de ne pas faire de conneries c'est de ne pas avoir les outils pour les faire. J'ai lancé l'outil dans la nuit noire, en touchant l'eau il a blanchi d'écume les bords du trou noir qu'il a creusé dans la mer noire emportant avec lui toutes mes idées noires.

 

Et aujourd'hui...

Depuis je n'ai plus d'arme à bord, ce qui ne veut pas dire que je n'ai plus pensé en avoir. Le débat partage toujours les partisans du "c'est ma peau ou la leur" , ceux du "ça n'arrive qu'aux autres" et ceux qui cherche un compromis. Je fais parti de la troisième catégorie.

Nous avons pas mal navigué depuis cette aventure méditerranéenne. et dans des coins de l'Amérique du Sud ou centrale qui n'ont pas forcément bonne réputation. Nous avons donc été obligé de réfléchir à ce sujet et à trouver un juste milieu qui nous convient.

Quand on arrive dans un pays avec son propre voilier, on fait généralement les formalités car être en infraction peut avoir trop de conséquences sur notre bien le plus précieux (il est souvent notre seule richesse) . Notre cher voilier est une monnaie d'échange un gage facile à saisir en attendant de payer les amendes ou...

Les autorités posent toujours la question: Avez vous des armes à feu à bord? Si on en a pas c'est facile... si on en possède, il y a deux solutions, soit on la déclare soit on la cache parfaitement et on nie son existence. Souvent cela s'arrête la. Mais quelque fois il y a des fouilles, pas forcément pour trouver une arme, mais parce ce que ça amuse le douanier qui découvre un monde incroyable dans un bateau, parce qu'il est de mauvaise humeur, ou simplement parce qu'il cherche autre chose comme de la drogue... Un voilier de copains a été entièrement démonté, les endroits inaccessibles visités avec une caméra montée sur flexible etc... il n'y avait rien à trouver, ça s'est donc bien passé, mais s'il y avait eu une arme elle ne pouvait pas passer inaperçue. Alors quand on a dit que l'on a pas d'arme et qu'ils en trouve une, qu'est ce que l'on est ? un trafiquant d'arme... Au mieux le bateau est saisi, au pire vous croupissez quelques années dans des prisons qui n'ont rien à voir avec les nôtres... Vous voyez ce que je veux dire.

Si vous déclarez votre arme, il y a deux possibilités: Ils la mettent dans un coffre sous scellés. C'est signalé sur vos papiers, et quand vous quittez le pays, vous avez intérêt à ce que les scellés y soient toujours. (J'entends d'ici les petits bricoleurs de génie qui sont en train d'imaginer un coffre à double fond ouvrant indécelable ). Mais souvent ils confisquent les armes et munitions pour toute la durée de votre séjour. Ce n'est pas grave (sauf si vous en avez besoin) si vous quittez le pays depuis le même port que celui ou vous êtes arrivé. C'est rarement le cas, votre périple vous fait par exemple toucher le Vénézuéla à Margarita à l'Est et vous poursuivez votre voyage vers la Colombie puis Panama dans ce cas vous ne pouvez pas revenir en arrière pour récupérer votre arme et vous ne la déclarez donc pas avec les risques décrits plus haut.

Ces inconvénients rendent les armes plus contraignantes qu'utiles... jusqu'au jour ou elles pourraient servir, il suffit d'une fois... mais est ce que l'on aurait le cran de s'en servir vraiment?

En ce qui nous concerne nous avons décidé de ne pas en avoir. Cela ne veut pas dire que nous soyons complètement démuni face au danger.

Avant de décrire notre attirail, je voudrais dire que la première chose pour éviter les ennuis est le bon sens. Ca ne sert à rien d'aller à terre avec des gourmettes ou des colliers en or pour aller faire le marché local, c'est ridicule d'aller mouiller seul (arrogance insupportable du beau voilier blanc) devant une ville de pécheurs miséreux en grève parce qu'ils n'arrivent plus à faire vivre leur famille (dans ces deux cas, les copains ont eu des problèmes... c'est logique.)

Quelque fois nous nous sommes sentis un peu démunis, la présence d'une arme cela rassure quand même, ne serait ce que pour dissuader. En effet il y a deux sortes de brigands: les vrais gangsters contre lesquels il n'y a pas grand chose à faire, il répondront à la kalachnikov si vous sortez votre pistolet à eau (heureusement ceux la sont rares) et les petits voyous qu'il est facile d'impressionner si on montre que l'on a du répondant. C'est pour faire face à cette deuxième catégorie que l'on s'est équipé d'un pistolet lance fusée de détresse. On en trouve chez les armuriers. Cela se présente comme un gros pistolet à un coup avec un gros canon de calibre 12 dans lequel on glisse des cartouches 12 x 50. La cartouche contient la fusée de détresse. Ce n'est pas une arme à feu d'attaque puisque ce n'est pas fait pour tuer (mais peut-être pour sauver) mais c'est de toute façon très impressionnant. L'armurier peut également vous vendre des cartouches de défense qui contiennent des petites billes en caoutchouc mou. Ca doit faire mal de près dans le visage (*) mais sinon c'est inoffensif. Par contre quand on tire, cela fait un bruit de fusil de chasse et une grosse flamme sort du canon. La encore le but est d'impressionner. Dans le même ordre d'idée, j'ai emporté à bord la vieille carabine à air comprimé de mon père. Cette carabine construite il y a bien 65 ans, est assez imposante (on construisait solide à l'époque) et de loin on peut aisément imaginer une arme redoutable alors qu'elle ne tire que des petits plombs inoffensifs.

Nous nous en sommes servie une fois, alors que nous nous étions échoué sur un banc de corail mort dans la baie de Cartagène en Colombie. Nous étions seuls au départ et pendant que nous nous esquintions à remettre le bateau à flot, sont alors apparus des pirogues qui ont jeté leur grappin tout autour de nous à 50 mètres. L'endroit n'a pas bonne réputation et nous avons eu la chance de pouvoir joindre un voilier en VHF pour lui demander de nous faire envoyer un canot de militaires armés pour nous protéger tant que le bateau ne serait pas à flot. La petite marée était basse et la nuit allait bientôt tomber. Après des heures d'efforts nous étions cassés, nous ne pouvions plus qu'attendre. mais combien de temps ? Pour dissuader nos voisins de mouillage de nous approcher de trop près, nous avons attendus les coast-guard en arpentant le pont avec cette fameuse carabine posée négligemment sur l'épaule. De loin ça donne à réfléchir...

 

 (*) A la lecture de notre article, Olivier Larzul souhaite intervenir pour nous mettre en garde:

Si je me permet de vous contacter avant même d'avoir lu plus de 2 pages de votre site c'est pour vous mettre en garde sur une information que vous donnez et que j'aurais tendance par expérience à trouver erronée. Il apparaît que vous n'avez sans doute pas testé cette information.

C'est au sujet des armes à bord... avant d'être "marin" je suis tireur sportif.

Il s'agit donc de l'utilisation des pistolets lance fusées avec des munition de type caoutchouc (gomme cogne cal 12 x 50 ).  Il y a en fait un risque bien réel et ils ne doivent en aucun cas servir à tirer dans la tête. En effet ces munitions sont capables de passer une feuille de contreplaqué de 10 mm d'épaisseur à 3m de distance et de fracturer des cotes d'un adulte en bonne forme à environ 15 mètres.   (j'ai possédé un GC 57 et l'ai testé sur du CP de 10 mm et l'ai revendu et remplacé par un gel lacrymogène très puissant)

j'espère attirer votre attention sur ce qui peut devenir une information dangereuse (malgré votre bonne foi) car un tir dans la tête (sauf intention de faire des dégâts énormes ou pire) doit être à proscrire impérativement. Par contre une jambe cassée à un braqueur ou voleur ou gens mal intentionné ne peut que l'aider à réfléchir.....

Sans doute à très bientôt pour un prochain contact car je retourne très vite à la lecture de votre site qui me parait très intéressant

 

Une autre intervention signée Jean-Marie Lucas

Salut, 

Je viens de lire ton aventure en Med, où t'as failli flinguer des gus qui faisait une approche suspecte de nuit. 
J'ai connu un truc un peu semblable, bien que moins intense quand même. C'était en 1986, on était quatre copains sur mon Jouët 920, on revenait de St Marteen sur la Guad'loup'. Un des copains grand amateur de tir avait amené une 22 long semi automatique chargeur 8 balles, et un 7,65. 
De nuit (vers 3 / 4h du mat) on était nord-est de Statia (St Eustache) et le mec à la barre me prévient que depuis un moment il voit des feux qui, d'après le gisement, se rapprochent en faisant une route légèrement convergente. Il y avait eu à cette époque quelques problèmes avec des plaisanciers détroussés de nuits par des gus sur des "goélettes pays", non identifiables, dans le secteur St KIts, Saba, St Barth. Aussitôt des flingues sont mis sur les bancs de cockpit et on surveille. Le bateau est sur notre travers bâbord et en effet on voit ses feux qui grossissent lentement. La plupart du temps on voit le vert, de temps en temps on aperçoit à peine le rouge, puis encore le vert, etc... Au bout d'un moment on entend son bourrin, façon Baudouin Marine... (faut dire qu'il est plutôt à notre vent, mais un peu haut par rapport à la direction de l'alizé d'est qu'on a. 
Et subitement... plus rien... !! Évidemment on a saisi les flingos... le mec à tout éteint on s'est dit... 
Peu à peu le jour s'est levé (sous les trop's il fait jour à 5h tu sais ça)... plus rien à l'horizon... Ben voilà... on a rien su de plus . Salut,

 

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