Cahier N° 113

 

Suite du cahier numéro 112 sur l'île de Tanna

 

Nous allons bientôt quitter Tanna mais avant cela nous avons une visite incontournable à faire. Nous allons saluer le Dieu Yasur chez lui. Maintenant que nous avons été présenté (voir le cahier 112) nous imaginions que nous pouvions nous permettre la familiarité de regarder le puissant volcan dans les yeux. Nous avons failli payer cher notre impudence (sans r)

 

Quelques mots sur le Yasur:

Puisque nous avons été présenté maintenant, nous n'avons plus qu'une envie, c'est d'aller le voir de près le sacré Yasur. Nous organisons avec le frère de Myriam une excursion  en 4x4 vers le sommet du plus accessible au monde des volcans très actifs. On va enfin approcher du dieu Volcan.

  Cette rencontre a un cout, mais les émotions que nous allons vivre n'ont pas de prix.
Une heure de voiture aller, une heure et demi sur place, une heure de voiture retour. Nous avons payé  1000 vatus par personne pour la voiture, (environ 8 euros), et 2500 vatus par personne (environ 20 euros) comme droit de passage au profit du chef du village sur lequel se trouve le volcan.

Le pickup nous emmène. Certains sont à l'intérieur, d'autres dans la benne. Nous roulons à belle vitesse sur la plaine de cendre, grise,  poudreuse aux reliefs aplanis car partout les trous sont rebouchés et les sommets arrondis par la couverture de cendres.

Le cône du Yasur est installé dans la petite caldera de Yenkahe où la tectonique est particulièrement active. La datation de coraux prélevés à différentes altitudes a permis de déterminer le soulèvement particulièrement important de la zone qui est de 150 mètres en 1000 ans. Quand James Cook est venu à Tanna, il a rencontré les habitants qui vivaient sur le bord de la plage. Depuis, les mouvements du sol ont soulevé le village de Port Résolution (nom donné par Cook en hommage à son navire) de plus 20 mètres au dessus du niveau de la mer. Le yacht club aménagé par les villageois ( peut-être une idée de Cook, pourquoi pas ?) domine aujourd'hui la baie du haut de sa petite falaise.

L'altitude actuelle du volcan est de 365 mètres . C'est donc une colline moyenne plutôt qu'une montagne. mais elle ne cesse d'augmenter suite aux rejets permanents de cendres et de bombes volcaniques. Des panaches de fumées très impressionnants excitent notre imagination et notre impatience.

  Le pick-up arrive à trois cents mètres des lèvres du cratère. Ce n'est vraiment pas difficile d'aller au sommet de ce volcan. Un parking a été aménagé et il y a une dizaine de voitures 4x4 qui y sont garées. Le Yasur attire tous les jours les touristes de Tanna.

Son accès est devenu une affaire facile et lucrative mais il faut se serrer la ceinture quand la trop forte activité du volcan ne permet pas d'y accéder.

Les périodes de forte activité du Yasur se situent à intervalles de 24 à 30 mois. La reprise après une période de repos génère généralement des émissions de cendres qui peuvent recouvrir la végétation et les cultures environnantes, augmentant encore la punition.


Allez, Anik, Geneviève et Jean-Baptiste il faut avancer maintenant que nous y sommes !

Depuis que l'on fait un suivi régulier du volcan on remarque que pendant les phases d'activité importante de nombreuses bombes volcaniques tombent en dehors du cratère. En août 1999 des bombes de plus d'un mètre sont tombées à plus de 600 mètres à l'extérieur du cratère.  C'est à dire qu'elles pourraient sans problème aplatir les voitures garées sur le parking. Mais nous sommes au mois de mai 2010. Au fait que dit le service de surveillance de l'activité pour cette période ? Nous n'en savons rien mais le chef du village de Spring water, (le chef du village de Catherine que nous avons rencontrée dans le cahier précédent) parle avec le dieu volcan et le Yasur lui même nous a écouté et nous a autorisé cette visite, souvenez vous.

 

Il ne faut pas taquiner les dieux:

On ne peut pas parler d'ascension pour la toute petite grimpette que nous faisons. Ce qui est extraordinaire c'est la facilité avec laquelle nous arrivons de suite au bord du cratère.


(*)  D'après les volcanologues, le cratère du Yasur est le centre d'une activité explosive de type strombolien permanente depuis plusieurs siècles.  Nous ne sommes pas assez spécialistes pour vous expliquer ce que sont des éruptions de type strombolien, mais c'est vrai que nous ressentons la même ambiance, la même énergie à fleur de terre que lors de notre visite du Stromboli il y a plus de 25 ans. Sur le Stromboli il y avait, de mémoire, 3 bouches de feu qui éjectaient des bombes volcaniques toujours du même coté. Nous nous étions installés pour passer la nuit, du coté opposé bien sur. Nous avons assisté à un véritable feu d'artifice qui se répétait toutes les 10 à 15 minutes. Ici, au Yasur, les explosions  se produisent au niveau de petits évents mobiles localisés en périphérie du cratère principal du cône. Nous en avons repéré également 3 avec une plus grande activité pour deux d'entre eux. Les explosions du Yasur sont beaucoup plus rapprochées que lors de notre visite du Stromboli.  (il y aurait près de  500 explosions par jour sur le Yasur en période d'activité normale ). Les explosions sont plus fortes aussi que sur le Stromboli à moins que ca ne soit une impression du fait de notre plus grande proximité avec le bord du cratère.


(*)       C'est vrai que nous nous sommes approchés très très près du cratère... mais le spectacle de la puissance interne du volcan nous fascine. Nous entendons ses grondements, nos pieds ressentent les vibrations de ses entrailles.


Le soleil  (qui est aussi un dieu dans beaucoup de civilisations) est en train de se coucher derrière la crête à l'Ouest du cratère.  Il est dans le ton avec ses couleurs de feu. Mais Yasur sait qu'il sera bientôt, et pour toute la nuit,  le maitre de l'incandescence. Il envoie déjà un opaque nuage noir qui va gommer en quelques secondes la brillance de l'astre du jour.


(*)       Une légende attachée au volcan rapporte qu'il est habité par un génie qui se nomme Mesu et ses deux épouses Sappai et Manga. C'est quand elles attisent le feu pour la cuisine que le cratère rougeoie, que les pierres incandescentes jaillissent et que la fumée envahit toute la demeure. Nous aurions du leur dire que ce n'était pas encore l'heure du diner...Nous en profitons un peu trop de sa fumée et ca ne sent pas la grillade aux herbes...

  La nuit est tombée maintenant. Nous nous installons aux premières loges pour admirer le spectacle.
A nouveau les sensations de notre soirée passée au sommet du Stromboli resurgissent. Nous étions montés tous les deux, Anik et moi, seuls, nous pouvions le faire sans guide à l'époque. Notre Trismus, le premier Banik, était resté sagement à l'ancre dans une baie abritée de Lipari. Nous avions emporté de quoi bivouaquer après avoir fait à pied l'ascension des 1000 mètres depuis la plage de sable noir. Au sommet le spectacle était impressionnant. Des bombes volcaniques rougeoyantes sont propulsées dans le ciel
    nous offrant un magnifique feu
  d'artifice.  Nous avons reconstruit un petit mur de pierres volcaniques qui avait déjà du servir d'abri à des visiteurs précédents et qui s'était un peu écroulé.
Nous voila bien installés aux premières loges pour admirer le spectacle.
Soudain le vent s'est inversé comme il sait le faire en une minute en Méditerranée. Les bombes continuaient de tomber sur le versant opposé mais la fumée sulfureuse et acide ainsi que les plus petits débris comme des grêlons à peine refroidis se sont mis à nous envelopper et à tomber sur nous. Nous suffoquions, il nous fallait de l'air, nous avons ramassé nos affaires sans trainer et nous nous sommes mis à courir sur la pente, dans le noir et la vue brouillée par les larmes.  On dévale rapidement dans les éboulis heureusement...

Je n'étais plus très sur de mon chemin mais une chose était certaine il fallait descendre et vite.
Un instinct de survie, un sixième sens, je ne sais pas... mais je me jette au sol pour m'arrêter en hurlant à Anik de faire de même. Nous stoppons à quelques mètres d'un précipice. Ca a été très limite. J'y ai pensé toute la pénible remontée pour retrouver le bon chemin.
Nous avons fini par dormir sur la plage en regardant les étoiles.

Ce soir, sur le Yasur,  nous contemplons le même genre de spectacle. Plus impressionnant encore car l'activité est importante. Les différentes phases de fortes activités enregistrées depuis 1994 ont comblé le fond du cratère et ramené les sorties des évents à moins de 150 mètres des bordures où nous sommes. C'est grandiose.  

 

Braoum!  Tout à coup le premier évent explose plus violemment que tout ce que l'on a vu depuis une heure. La poche de gaz qui remonte dans le conduit depuis le lac de magma à faible profondeur devait être plus importante que les autres. Le grondement du sol qui se gonfle fait place au sifflement du gaz qui s'échappe comme d'une cocote minute, à moins que ce ne soit les projectiles qui fendent l'air ? Nous nous tournons vers le deuxième évent. Nous avions remarqué que celui là pète une dizaine de seconde plus tard mais toujours plus violemment que le premier. La gerbe de feu monte poussant le nuage noir. Les bombes volcaniques incandescentes sortent à la vitesse de 200 mètres à la seconde et s'élèvent toujours plus haut. Normalement elles doivent s'arrêter et retomber dans le cratère. Mais le feu continu de sortir sans interruption les explosions se succèdent en augmentant leur cadence, les plus grosses bombes passent au dessus de nos têtes et on les entend retomber derrière nous.

Que faut il faire dans ce cas là? Rappelle toi vite JB... On t'avait dit:
-"Il ne faut surtout pas courir comme un fou dans n'importe quelle direction ! "

Mais c'est ce qu'ils font les autres... au risque d'être fauché par malchance...

On t'avait dit:
-"Il faut être maitre de soi, lever les yeux au ciel pour voir les bombes rouges retomber en pluie très clairsemée. Il est alors facile de les éviter en faisant un écart dans le bon sens".

Je vous jure que c'est ce que j'ai fait, en criant à Anik de rester sur place aussi. J'ai regardé le ciel complètement bouché par la fumée. Je ne voyais rien, que le feu sortant du cratère en sifflant de colère. Tout à coup j'ai entendu ce bruit mat comme une noix de coco qui tombe de 20 mètres de haut dans le sable mou, Mais c'était plus gros qu'une noix de coco, ou bien c'est parce que ça venait de bien plus haut. J'ai senti dans mes jambes le violent impact sur le sol tout près derrière moi. A combien? 2 mètres, peut-être 3 mètres, tout près, tout près... Et je n'ai rien vu venir, et il y  en aura surement d'autres... Comment les éviter si on ne les voit pas?

Je me suis mis à crier: "Aller on dégage d'ici, à fond la caisse...  Go, go, go.." je gueule ces trois mots en anglais car je ne sais pas s'il y a encore d'autres touristes alentours parmi ceux qui étaient avec nous. En fait tout le monde était déjà en train de courir depuis le début. J'étais le dernier, le plus bargeot de tous...

Une fois hors de portée, il a fallu nous asseoir pour reprendre notre souffle et aussi parce que nos jambes flageolaient. Le chauffeur de la voiture qui était resté sur le parking, vient à notre rencontre. Il nous invite de façon assez insistante à prendre le chemin du retour. Nous ne résistons pas trop, groggy de réaliser que nous étions il y a quelques minutes sous une pluie de bombes volcaniques. On est là, on se parle, on rigole nerveusement, on s'embrasse... Tout aurait pu s'arrêter il y a quelques minutes pour l'un d'entre nous...

Dans les années 1990, trois touristes ont été tués par la chute de bombes volcaniques. Il y a quelques années notre chauffeur a vu un touriste japonais perdre la vie, la cage thoracique transpercée.

 

Dépêche du 28 mai 2010  de ACTIV: Association pour la Connaissance et la Transmission de l'Information en Volcanologie   
http://www.activolcans.info/eruption-volcanique-du-volcan-Yasur-201005.html

Suivi de l'activité éruptive ou des éruptions volcaniques pour le volcan Yasur au cours du mois de mai 2010:

L'augmentation progressive de l'activité enregistrée sur l'édifice depuis le mois de janvier a incité les volcanologue du Geohazard à revoir à la hausse le niveau d'alerte du Yasur. Ce dernier est passé au niveau 3 hier car des bombes retombent maintenant sur les points de vue où se postent les visiteurs et parfois sur le parking situé en contrebas. Des chutes de cendres importantes sont en cours sur les villages proches. L'accès au sommet de l'édifice est désormais interdit pour d'évidentes raisons de sécurité. Source : Geohazard

 

Nous quittons Tanna après un séjour d'une semaine dans l'île et une visite mémorable au Yasur. Le temps est beau, le vent favorable, nous allons nous diriger vers l'île d'Efate et la Capitale de la République du Vanuatu: Port Vila. On ne peut pas s'empêcher de regarder en arrière. Le Yasur continu de noircir la plaine et son panache de fumée défie les nuages... Il nous a offert un moment inoubliable.

 

Pour voir une vidéo documentaire de quelques minutes sur le volcan Yasur:
http://www.curiosphere.tv/video-documentaire/0-toutes-les-videos/107749-reportage-lactivite-

 

 

 

       
Textes et photos :
(nous sommes un peu flous dans la fumée)
 
 
       
  Anik Delannoy   Jean-Baptiste Delannoy
       
Les photos marquées par (*) sont de:  

Geneviève Liquière a été   équipière sur Banik en 2010 de Nouméa en Nouvelle Calédonie jusque Darwin en Australie

       
  Geneviève Liquière    
       
Avec le feu du volcan Yasur ...


Extrait des nombreuses photos au moment de la grosse explosion

 


 

      et, en arrière plan,  l'impressionnant visage de la mort qui nous a regardé de près
       

 

 

 

Ce document est édité à l'attention des abonnés aux Cahiers de voyage de Banik.
L'abonnement aux Cahiers permet de financer en partie le voyage et ainsi de le prolonger. Ce faisant nous avons la possibilité de continuer à rédiger d'autres cahiers ainsi que de nouveaux articles pour le site Internet que vous connaissez probablement déjà.

www.banik.org

Merci donc de ne pas diffuser ces documents à d'autres personnes n'ayant pas souscrit

Pour en savoir plus sur les abonnements : http://www.banik.org/cahiers.htm

 

 

 

Pages trouvées