Cahier N° 115

 

 

De Efate nous avions planifié de rejoindre directement Ambrym et de trouver un mouillage temporaire après avoir contourné Dip Point, à l'extrémité SW de l'île . Ca faisait une petite navigation d'environ 85 milles...

 

 

Escale à Epi: (Suite de l'introduction)

  Le vent en a décidé autrement. Il n'a pas été très fort de toute la journée et nous n'avons pas parcouru plus des deux tiers du chemin, la nuit arrivant. Le ciel s'obscurcit alors de lourds nuages d'orage. Ca ne promet pas une nuit en mer très agréable. Nous sommes en train de chercher une alternative sur la carte quand arrive un dauphin très vif et démonstratif. Il se met à notre étrave et prend délibérément la direction du cap Foreland. Nous avions repéré ce cap sur la carte électronique mais celle ci n'est absolument pas assez précise et bien calée pour permettre un
    atterrissage facile de nuit.
  Le dauphin nous accompagne toujours. Quand nous faisons mine de nous éloigner de la cote il revient à notre étrave, quand nous pointons sur le cap il fait des bonds en l'air tout joyeux. On a vraiment l'impression qu'il nous dit
"- C'est la bas qu'il faut aller".
Nous y sommes allés. Nous nous sommes avancés tout doucement, les yeux rivés sur le récif à peine visible et sur le sondeur. Nous ne trouvons pas de profondeur "mouillable". Nous faisons demi tour. Le dauphin manifeste . Nous retournons et jetons finalement l'ancre. Notre ami s'en va alors.
     
  Vous allez dire :
Effet du hasard... Bien évidemment... Récit romantique sorti de mon imagination!   Surement un peu...

Mais nous avons les photos du dauphin qui était bien réel et quand nous repartons de bonne heure le lendemain matin, nous découvrons la silhouette du cap Foreland qui représente  un dauphin. Ca on ne le rêve pas... Et puis l'ordinateur que nous avions laissé allumé durant les manœuvres, il a bien enregistré la trace de nos hésitations...  Alors...

     
  Télécharger nos traces de navigation:

Télécharger les fichiers "Traces"  qui peuvent ensuite être utilisés avec un logiciel comme Open CPN.
(Explications sur le téléchargement à la fin de la page "carte du Vanuatu")

Cliquez ici pour charger la trace permettant de rentrer dans la baie au Nord du cap Foreland. Vous voyez qu'il ne faut pas se fier à la carte car selon elle nous avons mouillé à l'intérieur des terres.
Nous étions sur un fond de sable vaseux à une profondeur de 12 à 14 mètres, à la position: 16°40,86'S - 168°07,47' E      Tenue ???

Télécharger aussi les deux fichiers suivants qui correspondent à la carte ci-dessous à Malekula:
Entrée de Port Sandwich
Intérieur de Port Sandwich

     

 

Découverte:  L'île de Malekula (ou Mallicolo):

Informations nautiques:

Nous étions repartis pour bien contourner cette fois Dip Point et longer la cote Nord d'Ambrym.  Nous étions encore à une bonne quinzaine de milles du cap, quand un gros grain nous tombe dessus en moins de temps qu'il n'a fallu pour que nous le voyons arriver. 35 nœuds de vent établi pendant au moins 45 minutes.
Affalement complet de la grand voile en catastrophe car on ne sait pas sur le moment si ca va monter encore et enroulement  du génois lourd à la moitié de sa surface... Et on abat pour ne pas se faire coucher par les surventes furieuses. Jean-Baptiste fait les manœuvres rapidement pendant qu'Anik débranche le pilote pour prendre la barre elle même d'une main ferme.

 
ZiiiiiiP c'est à ce moment là que le moulinet se met à filer... Geneviève se débrouille toute seule et ramène un beau barracuda.

Devant nous il n'y a plus rien. Tout est gris sous la pluie battante. Pourtant nous savons qu'il y a l'île de Malekula avec de nombreuses baies très abritées.
Pendant que nous avons encore de l'eau à courir Jean-Baptiste descend à la table à carte pour évaluer le meilleur point d'atterrissage.

La encore, c'est la météo qui a décidé pour nous de notre escale suivante. Ca ne sera pas sur l'île d'Ambrym mais à port Sandwich sur l'île de Malekula qui doit être relativement facile d'entrée et qui offre un réel abri tout temps si par hasard ce qui vient de nous tomber dessus devait durer, voir empirer.

Le temps  n'a pas empiré et l'atterrissage sur la profonde baie ne pose pas de problème particulier sauf à réussir à repérer l'entrée quand il fait un temps chargé comme celui que nous avions. Il faut surtout bien arrondir la pointe Peunoamp car le platier, invisible la plupart du temps, sauf à marée très basse, s'étend à au moins 1/4 de mille vers le Nord. (Voir plus bas la photo du platier prise du village de Lamap).

Dans la première partie de la baie, les deux rives sont franches et la partie du milieu est très profonde. Ensuite, il y a un petit zigzag à faire pour éviter un haut fond et passer dans la partie Sud. Nous avons trouvé un mouillage calme comme sur un lac, au Sud de la pointe Planter. Fond de vase de bonne tenue (nous étions bien à l'abri du vent) dans une profondeur de 6 mètres. Position: 6°26,376' S - 167°47,02' E.


Nous avons trouvé un mouillage calme comme sur un lac, au Sud de la pointe Planter.
Mais il est prudent de ne pas se baigner, toute la baie naturelle est réputée pour ses requins.

 

 

L'île de Malekula

Nous voici donc sur l'île de Malekula sans vraiment l'avoir décidé. C'est la deuxième île de l'archipel par sa superficie de 2024 km². 94 km de long et 44 km dans sa partie la plus large. Elle est aussi la première île exportatrice de coprah (pulpe de coco séchée) et de cacao  La cote est très découpée et offre de nombreux mouillages dont certains sont très surs comme ici à port Sandwich qui pourrait éventuellement être un trou à cyclone en fond de baie.

Le Mont Penot culmine à 879 mètres. L'ile est dans l'ensemble assez élevée, découpée de vallées profondes. La pénétration de l'île est difficile et l'intérieur est presque un désert humain aujourd'hui. Traditionnellement on y trouve deux groupes qui ont une langue et une culture différentes. On les appelle les big nambas au Nord sur les hauts plateaux, et les small nanbas dans les montagnes du Sud. Leur nom leur a été donné en fonction de la taille de leur étui pénien (le nambas) qu'ils portent encore aujourd'hui. Cet étui est fabriqué avec une feuille de pandanus, de burao ou de bananier pour les plus démonstratifs...

Les big nambas avaient une telle réputation que les explorateurs ne s'approchaient que rarement de leur territoire. Le cannibalisme a même fait fuir les quelques colons qui avaient monté des plantations près de la cote. Il y avaient de nombreuses guerres entre les tribus. Un rien pouvait la déclencher. Elle s'arrêtait après avoir tué 3 ou 4 hommes. La cérémonie commençait alors et se terminait par le repas de leur victime.
On se rassure en se disant que c'est de l'histoire ancienne mais en fait pas tant que cela... aux Marquises nous avions été invité par une femme qui nous raconta que sa grand mère avait gouté du dernier gendarme qu'ils ont mangé vers 1920.

Chez les big nambas il était naturel pour un chef de village d'avoir plusieurs femmes et mêmes quelques jeunes hommes pour assouvir ses désirs. Chez les small nambas par contre les hommes du village dormaient dans une maison commune le "amel", les femmes et les enfants dormaient dans une autre maison... Y aurait-il lien de cause a effet sur la longueur des nambas ?  Pour compenser, les small nambas pratiquaient l'élongation du crane sur les jeunes garçons.

(*)

Sitôt Banik  ancré, nous descendons l'annexe pour nous rendre à terre. C'est curieux, il y a très peu de plage, pas une seule vague,  tout de suite de l'herbe, des pâturages avec des vaches et juste derrière, des plantations de cocotiers. Nous avons l'impression d'être à la campagne au bord d'un étang plutôt que sur une île. Le Vanuatu offre vraiment une multitude de paysages et d'ambiances.
On fait un feu pour griller quelques darnes du barracuda.. . On a déjà oublié qu'il y a quelques heures nous nous faisions brasser en haute mer.
     
  Gilbert qui habite dans une maison du hameau juste à coté, vient nous rendre visite et s'assoit avec nous près du feu. Il  propose d'échanger quelques fruits et légumes contre quelques bricoles que nous avons à bord.

Nous avons souvent pratiqué ce genre d'échange dans les îles du Vanuatu. Ils ont des fruits en abondance et sont toujours preneurs de t-shirt (surtout s'il y  a une grosse pub dessus, un t-shirt tout blanc est moins joli) Ils apprécient aussi les casquettes ou le lait en poudre, un peu d'essence pour le hors bord ou une bougie neuve... Il y a toujours quelque chose qui les dépanne.

 

 

 

Sur la route de Lamap

Le lendemain nous décidons de marcher jusqu'au village de Lamap.
Tout au long du chemin nous rencontrons de nombreuses personnes toutes charmantes et heureuses de discuter un moment avec nous. Du coup nous avons mis près de deux heures pour y aller alors que cela se fait tranquillement en 45 minutes.

 

Lamap est aujourd'hui un village paisible mais au temps du condominium c'était la troisième ville importante de l'archipel. On y trouve une école, une poste et quelques boutiques.

Les petites maisons en parpaings et tôles ondulées sont rustiques mais propres et les jardins fleuris. Mais ce qui dominent tout, ce sont les innombrables cocotiers bien alignés dans d'énormes plantation. On comprend bien qu'ils puissent  produire tant de coprah.

Toutes les minutes, des dizaines de cocos tombent toutes seules des arbres. Il suffit de les ramasser pour assurer les revenus. Ce qui est le plus dur dans la nature c'est de trouver les cocos qui viennent de tomber. En général elles sont vite cachées par l'épaisse végétation au sol. Si on ne les ramasse pas elles sèchent ou bien se mettent à germer et sont perdues pour la pulpe. L'idéal est d'avoir un sol totalement dépourvu de végétation comme dans cette plantation. On voit tout de suite les cocos qui sont tombées dans la journée et on les récupère rapidement avec des brouettes. Des chemins sinueux sont tracées dans les plus grands espaces entre les arbres, ce qui permet de circuler  sans le risque de recevoir une coco qui tombe du ciel. Mais c'est du boulot d'entretenir le sol de tout ce terrain alors ils ont trouvé la combine: Ils clôturent la plantation  comme un pâturage chez nous et y mettent des vaches et des cochons. Ca fournit donc la viande en plus.. Organisation géniale de production maximum avec le minimum de travail.

 

"Ils ne m'ont pas appris à suivre les petits chemins sinueux à moi... Ils s'en fichent que je sois assommée par une coco."

 

 


Au Nord du village de Lamap nous arrivons à la pointe Peunoamp que nous avions contournée en navigation hier. C'est marée basse maintenant et l'on voit bien le grand platier qui déborde la pointe à près de 500 mètres. Des pécheurs à pied ramassent des coquillages et des crustacés.

 

Nous voici sur la route du retour vers Banik. Nous commençons à avoir faim et on se promet de ne pas mettre 2 heures pour rentrer. Mais en chemin, nous avons fait la connaissance d'Arnaud qui est le sécheur des fèves de cacao dans le village de Lamap. Son four très rustique, placé au bord de la route, avait attiré notre curiosité et nous nous étions arrêtés pour le prendre en photo. Arnaud était alors apparu. Il ne s'est pas fait prier pour répondre à nos questions et  nous donner  toutes les explications sur la manière dont il procède :

 

Un curieux bâtiment avec de la fumée qui sort de l'arrière attire notre curiosité.

 
     
Arnaud ne s'est pas fait prier pour répondre à nos questions (*)
     
Arnaud rachète les fèves aux différents propriétaires de cacaotiers autour du village. Les cacaotiers que l’on a vus ne sont pas de très grands arbres et les gousses contenant les fèves étaient encore vertes. Il faut attendre qu’elles soient bien jaunes pour les cueillir. Arnaud achète le kilo de fève fraiches et déjà décortiquées de la gousse 60 vatus C'est-à-dire 1/2 €.  
     
Au début du processus, il place les fèves dans un bac en bois et il les laisse 3 jours. Elles commencent alors à perdre leur eau. Ensuite il les change de bac ce qui permet d’aérer un peu le tas et elles y resteront encore 3 jours ainsi que dans le troisième bac. Le fait de les changer de bac ça les remue un peu, c’est important.

Au bout de 9 jours  dans les bacs, il complète le séchage en étalant  les fèves au dessus du four.

 
     
Le four: 

Le tamis qui reçoit les fèves est placé au dessus d’un tunnel fait de plusieurs futs de 200 litres découpés et mis bout à bout.
De longues branches sont enfilées dans les futs et se consument en dégageant une bonne chaleur.
Le tunnel, qui est la source de chaleur est enveloppé de tôles ondulées jusqu’au tamis. L'air chaud ne peut s'échapper qu'à travers la grille en séchant les fèves.

 
     
Le tirage est assuré par une rustique cheminée placée au bout du tunnel.  
     
Le jeune apprenti qui aide Arnaud retournera les fèves tous les ¼ d’heure pendant les 48 heures qu’elles passeront à la chauffe.

Attention il ne faut pas griller les fèves, juste les sécher.

 

 

Arnaud revendra 120 vatu (1€) le kilo de fèves séchées qui seront expédiées sur l’ile voisine d’Espiritu Santo. C’est là bas qu’ils récupèrent la production de tous les petits récoltants des îles du milieu de l’archipel. Les jours de grand soleil, les négociants en profitent pour sécher une dernière fois les fèves au grand air. Cela leur permet de faire un ultime tri et aussi ca leur enlève un peu des odeurs de fumée. Ensuite les fèves sont vendues en Australie où elles seront transformées en chocolat.

 

 

 

 

Textes et photos :

 
 
  Anik Delannoy   Jean-Baptiste Delannoy
Les photos marquées par (*) sont de:

 

 

Geneviève a été équipière sur Banik en 2010 de Nouméa en Nouvelle Calédonie jusque Darwin en Australie

  Geneviève Liquière    

 

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